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Les agriculteurs sont-ils vraiment défiants face à la transition agricole ?

Les agriculteurs sont parmi les premiers à percevoir et subir les effets du changement climatique. 74% déclarent déjà percevoir une incidence forte du réchauffement climatique sur leur production. Même si à chaque territoire et à chaque spécialité correspond une réalité, on observe un quasi-consensus au sujet d’une transition écologique perçue comme nécessaire. Pour autant, ce constat théorique peut être perçu comme un obstacle face à une réalité économique complexe et un pilotage réglementaire perçu comme lourd, instable et déconnecté du terrain. C’est ce que nous avons pu constater au cours de notre étude sur les mondes agricoles.





L’appréhension du secteur agricole est délicate du fait de sa complexité et de sa grande hétérogénéité. Les mondes agricoles sont marqués par une grande diversité d’activités et de situations géographiques. Du côté économique, cette diversité des activités implique des vulnérabilités différentes face aux fluctuations des marchés et aux aléas du secteur.


“L’année dernière on a acheté les intrants très chers, les prix des céréales étaient élevés… et à un moment de la récolte, les céréales ont chuté donc au final on a pris une grosse gamelle…”

Du côté géographique, elle implique des vulnérabilités différentes face aux changements climatiques.


"Qu'on soit dans le sud-est, dans le sud-ouest, ou toute la partie nord-est ou nord-ouest, le climat est complètement différent. Donc c'est compliqué de répondre aux besoins exacts de chacun. Oui. Le viticulteur de l'Hérault ne va pas avoir le même besoin que le céréalier de la Beauce."

Cependant, malgré la diversité, les perceptions et ressentis au quotidien semblent être les mêmes. La principale inquiétude des agriculteurs, à 52%, est le contexte économique et le manque de revenus qui en découle. De même, 79% des agriculteurs déclarent percevoir une incidence forte du réchauffement climatique sur leur production dans les 10 ans à venir et/ou actuellement.

En analysant les traits communs de ces perceptions, il est possible de faire émerger des profils types de positionnement face à transition écologique. En analysant les traits communs de ces perceptions, il est possible de faire émerger des profils types de positionnement face à transition écologique :





Même si les positionnements diffèrent, l’urgence climatique fait quasiment l’unanimité


L’inquiétude face au changement climatique concerne une large majorité des agriculteurs.

L’étude montre un large soutien à la transition vers une agriculture plus durable de la part d’agriculteurs. Ils sont parmi les premières victimes directes du changement climatique.


  • 79% des agriculteurs interrogés considéraient que le réchauffement climatique aurait des incidences fortes sur leur production dans les 10 années à venir ou en avait déjà. 

  • 74% estiment que l’incidence est déjà forte à l’heure actuelle (dont 30% très forte). 


Les agriculteurs font le lien entre agroécologie et diminution du risque climatique. 


Pour ces derniers, la transition écologique est une solution prioritaire pour lutter contre les effets du changement climatique :

  • 79% des agriculteurs considèrent l’orientation des modes de production actuels vers des pratiques agroécologiques comme une solution.

  • 21% seulement considèrent que l’intégration de solutions technologiques est prioritaire.


Le changement climatique, une source d’inquiétudes, mais pas nécessairement d’action pour s’y adapter.

Le fait de voir le climat changer et d’en être victime ne suffit pas à engager les agriculteurs dans des projets d’adaptation. La moitié des agriculteurs déclarant une incidence forte des changements climatiques n’ont pas mis en place de mesures ou d’actions spécifiques pour adapter leur production aux effets du changement climatique : 

  • 52% n’ont pas engagé d’actions spécifiques.

  • 16% d’entre eux déclarent que c’est en projet.



La transition écologique en conflit avec une réalité économique complexe

C’est une opposition qui repose sur un sentiment d’incompréhension, de manque de considération et d’injustice ressenti par des agriculteurs qui se sentent souvent pointés du doigts. Ce dernier serait symptomatique d'une ignorance de la réalité des métiers agricoles : 

“ Les gens nous voient comme pollueurs, capitalistes parce qu’ils nous voient avec de grosses machines."
“Ils ne savent pas comment on travaille. Ils ne savent pas ce qu’on fait. Ils ne savent pas qu’il faut se lever la nuit.”

 

Un sentiment d’incompréhension d’autant plus exacerbé que la transition écologique ne peut se dissocier d’un contexte particulièrement crispé sur la question de la survivance économique et de la viabilité des activités agricoles. La mise en pratique de la transition écologique et son pilotage réglementaire entrent en conflit avec le fonctionnement de leur activité.

18% des agriculteurs considèrent les associations de défense de l’environnement et/ou du bien-être animal comme la deuxième source des difficultés qu’ils rencontrent, à égalité avec les entreprises de l’agroalimentaire (18% chacun). Témoignage d’un sentiment d’isolement et de manque de reconnaissance qui peut mener au clivage.



4 points de bloquages majeurs


Nos entretiens qualitatifs menés auprès des agriculteurs, permettent d'identifier 4 perceptions négatives majeures de la transition écologique :


  • Lourdeur : « C'est plus nous qui décidons ce qu'on peut faire pousser chez nous. »

    - Charge administrative constituant une charge de travail supplémentaire 

    - Des contraintes qui peuvent véhiculer un sentiment de perte de liberté sur leurs propres terres


  • Complexité et instabilité : «À chaque fois qu'on change de politicien. il faut qu'il mette son petit grain de sel. »

    - Sentiment de manque de ligne de conduite de la part des décideurs qui décrédibilise la transition écologique et rend difficile la prise de décision à leur échelle.

    - Peur de l’erreur et sentiment de “flicage” très anxiogène


  • Manque de sens : « On veut tout et son contraire, tout tout de suite, y a plein de choses aberrantes... »

    - Sentiment de déconnexion des mesures prises avec la réalité du terrain

    - Des démarches demandées dont ils ne perçoivent souvent pas l’utilité


  • Hétérogénéité des normes et concurrence internationale : « Quand vous avez des pays comme l'Ukraine, qui ont les meilleures terres du monde, qui n’ont aucune interdiction et qui ont des produits phyto qu'on a plus. On va en crever et puis c'est tout. »

    - Un manque d’harmonisation internationale des normes qui les condamne à défaut de protectionnisme…



Le changement climatique perçu comme une réalité concrète dans les prochaines années si ce n’est pas dès aujourd’hui, fait que les agriculteurs sont dans leur quasi-totalité en accord avec la nécessité de la transition agricole. Ils souhaitent cependant être accompagnés dans cette transition qui, dans ses expressions concrètes (régulations, démultiplication des contraintes), se heurte à une impression d’être peu compris, voire peu écoutés. La communication autour de ces questions doit donc intégrer leurs attentes. Particulièrement en troquant le vocabulaire de la transition pour celui de la durabilité, de la préservation qui permet de redonner la sensation de maîtrise de son environnement de travail (son environnement et non l’environnement). 


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