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Sortir de la bulle écolo, mode d'emploi

  • Photo du rédacteur: Amélie Deloffre
    Amélie Deloffre
  • 5 juin
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 5 jours


Le 23 avril 2025, Parlons Climat a organisé No Bulles, un événement pour faire le point sur les défis à relever pour toutes celles et ceux qui communiquent sur les enjeux de la transition. Ensemble, nous avons essayé de comprendre comment sortir de nos bulles militantes pour engager plus largement. Par l’écoute, par la reconnexion à ce qui fait rêver, par la projection dans une société idéale qui répond aux préoccupations, nous avons touché du doigt des idées clés pour y arriver.




Le discours sur les transitions semble avoir atteint un plafond de verre. Face à cela, quelles solutions ? Il ne s’agit évidemment pas d’arrêter de communiquer sur les enjeux climatiques. 



Commencer par écouter et remettre les audiences au centre


photo : Edouard Ducos
photo : Edouard Ducos

Dans son essai Mal Entendus, Nina Fasciaux préconise une autre option : l’écoute. Cette posture, pas forcément naturelle pour des personnes qui ont beaucoup de choses à dire, permet de contourner un sentiment répandu de rejet de la transition, perçue comme une idéologie de domination. Rapportée à nos stratégies de communication, cela passe par une meilleure connaissance de nos cibles, de nos audiences et une meilleure compréhension de ce à quoi elles aspirent. Au-delà des classiques études et autres segments “générationnels” ou de classes, il s’agit de comprendre les valeurs, les visions du monde, les freins et leviers mais aussi les paradoxes des personnes à qui s’adressent nos messages pour comprendre la vision de la société qui les anime.








Proposer une projection dans une société idéale


Question : pourquoi tient-on autant à mobiliser vers la transition environnementale ? Les valeurs des combats écologiques sont identifiées et régulièrement brandies : respect de la Terre, des humains, de la nature, de la biodiversité, préservation du vivant, etc. Soit. Mais pourquoi ? A quel projet ces valeurs conduisent-elles ? A quelle vision la transition propose-t-elle d’adhérer ? Quelle promesse pour demain peut donner envie de changer aujourd’hui ?


Poser la question, c’est nécessairement interroger celles et ceux à qui s’adressent nos messages : quels sont leurs rêves, leurs aspirations ? La bonne nouvelle, c’est que la société idéale à laquelle aspirent les Français est “écolo”. Le respect de la nature est la première réponse donnée à la question “selon vous, qu’est-ce qui manque le plus à notre époque et que vous aimeriez voir se développer ?”. Passer plus de temps avec leurs proches et faire plus de choses par soi-même sont par ailleurs des aspirations fondamentalement écologiques, qui se démarquent quand on demande aux Français ce qu’ils feraient davantage s’ils avaient plus de temps. Mieux : interrogés sur les modèles de société qui leur donnent envie, 51% des Français sont favorables à “l’utopie écologique”, autrement dit une “une organisation de l’économie et de la société tendue vers l’équilibre et la sobriété” (source : Observatoire des perspectives utopiques, ObSoCo, 2022). Seulement 5% y sont défavorables.



Chercher l'inspiration hors de sa bulle




Pour entamer ce pas de côté, il nous semble intéressant de chercher l’inspiration hors de nos cercles habituels. À titre d’exemple, nous avons donné la parole lors de No Bulles à cinq organisations très différentes qui, en suivant leurs propres objectifs (qui ne sont pas la lutte en faveur de la transition), ont abouti à des réflexions similaires pour engager leur public : travailler sur le sentiment d’appartenance à un commun autour des besoins, des envies ou d’une cause. 


Premier exemple : l’Institut national du cancer (INCa). Le lien entre cette maladie et la transition ? Le temps long. “Dans les deux cas, il s’agit de faire changer des comportements aujourd’hui, pour la promesse d’un hypothétique mieux après-demain”, a expliqué lors de l’événement No Bulles Emmanuel Collin, directeur de la communication et de l’information de l’INCa. Cette réflexion a conduit l’organisation à mettre de côté ses traditionnelles campagnes informant sur les risques (de la consommation de tabac, par exemple)... et à miser plutôt sur le projet très désirable et consensuel de vivre en bonne santé dans la durée, au prix de quelques saines habitudes à prendre dès aujourd’hui. L’astuce -et la difficulté - consiste évidemment à trouver le juste équilibre entre la promesse trop optimiste (et des objectifs irréalistes pour les personnes) et un discours sombre et effrayant (mais néanmoins scientifiquement validé). 


Deuxième exemple : la communication de la connivence avec Laure Wagner, première salariée de Blablacar et Romain Jolivet, directeur marketing de La Vie. Les deux marques ont mis à profit une analyse solide de leurs clients / cibles, et de leurs envies. Le résultat : des messages fédérant le consommateur autour d’une idée et d’un besoin qui dépassent le produit. C’est la recherche de convivialité, de connexion plutôt qu’une solution de transport écolo, pour Blablacar. Ou la défense joyeuse du bien-être animal, plutôt qu’un faux-jambon au meilleur rapport qualité-prix, pour La Vie. Une stratégie payante, pour les deux entreprises. 


Troisième cas d’étude : la communication de la raison d’être de La Poste et de la MAIF. L’idée est cette fois encore de partir des besoins et préoccupations des usagers, et d’y répondre en mettant en avant la proposition de valeur de l’entreprise. Comme nous l’expliquait Hélène Delahaye, directrice du planning stratégique de La Poste, la marque a trouvé dans le besoin de lien social de ses usagers le sens et la cohérence qui faisaient défaut à la multiplicité de services proposés par l’entreprise. Cécile Ribour, directrice de la communication de la MAIF, a rappelé de son côté que la marque cherchait à donner un sens aux préoccupations de ses clients en quête d’écoute et de reconnaissance - “aidez-moi” -, en les rattachant à l’engagement sociétal historique et identitaire de l’entreprise -”on est là et on se bat pour vous”.



Partir des aspirations des publics plutôt que des enjeux écologiques


Sur quelles grandes aspirations la transition pourrait-elle de la même façon broder un discours fédérateur ? Pour No Bulles, et sur la base des aspirations de la population, nous avons identifié quatre grands thèmes autour desquels construire ce “commun” et engager via des campagnes imaginées en atelier : la santé, la convivialité, l’autonomie et le pouvoir d’agir, et enfin la fierté et l’attachement. Des thématiques qui ne sont pas aujourd’hui au centre des discours sur la transition mais dont nous verrons qu’on peut les y rattacher très facilement. 



Photo : Edouard Ducos
Photo : Edouard Ducos

La santé est l’une des trois principales préoccupations des Français (36% des Français la citent, vs 27% pour l’environnement). Il est assez simple et évident de relier cette préoccupation avec les enjeux environnementaux. Cela permet de matérialiser les impacts d’un comportement ou d’un événement et de la rapporter à soi (ou ses proches), à travers des images fortes. Améliorer sa santé ou celle de ses proches est un vrai levier d’engagement, qui peut justifier à lui tout seul un changement de comportement.


Concrètement, parler santé, c’est parler de pollution de l’air, de qualité de l’eau, d’alimentation moins transformée, c’est donc aussi parler d’écologie.


La recherche de convivialité, autre aspiration très forte des Français, est une réponse à la préoccupation sécuritaire et à la méfiance interpersonnelle qui peuvent s’installer dans notre société. Ce contexte de défiance grandissante met à mal la cohésion sociale du pays. Face à des menaces existentielles comme le dérèglement climatique, résilience et robustesse se construisent à partir de ce lien social. Le renforcer passe notamment par une ouverture aux autres, plus d’entraide et d’autres centres d’intérêts que la sur-consommation. 


Concrètement, parler de convivialité c’est parler de partager, de lien, de vivre et de faire ensemble, c’est donc aussi parler d’écologie.


La quête d’autonomie et la capacité à agir sont une réponse aux inquiétudes suscitées par la baisse du pouvoir d’achat et la perte de souveraineté (réelle ou fantasmée). Plus d’autonomie, c’est plus de robustesse dans un monde instable, et c’est possible dans un monde où économie et écologie sont pensées ensemble. C’est aussi une démarche assez spontanée… Et indirectement, un moyen de valoriser cette “écologie populaire” qui existe sous les radars. C’est aussi mettre le projecteur sur l’échelon local de l’action et sur la solidarité, l’échange, le partage. 


Concrètement, parler d’autonomie et de pouvoir d’agir, c’est parler de cultiver son jardin, de réparer, d’échanger entre voisins, de sortir de la dépendance au système, c’est donc parler d’écologie.



Fierté et attachement sont deux valeurs rarement reliées aux combats écologiques. Les Français expriment pourtant fortement le besoin de se placer dans une identité plus grande qu’eux, d’adhérer à un projet de plusieurs générations, lié à une histoire et des traditions, mais aussi de revendiquer un modèle social. Il s’agit là de porter hautes les valeurs écologiques, de défendre fièrement un modèle de société qui se soucie des générations futures, tout en préservant les acquis qui font notre singularité. Et ce d’autant plus que le contexte politique international singularise de plus en plus ce “contrat social” solidaire et progressiste, mais aussi un modèle culturel basé sur la science, la connaissance et la libre-pensée.


Concrètement parler de fierté et d’attachement, c’est parler de défendre nos paysages, notre modèle social, nos productions locales, c’est donc aussi parler d’écologie.


Écouter les Français, dans toute leur diversité et leurs contradictions, leurs besoins et leurs envies. Accepter le pas de côté dans nos pratiques et nos méthodologies, y compris en allant chercher ailleurs ce qui fonctionne. Miser sur des valeurs fortes pour dessiner dans nos messages les contours d’un nouveau commun non seulement écologique mais désirable. Voilà les idées que nous proposons pour sortir de la bulle écolo, briser ce plafond de verre de l’engagement et embarquer l’ensemble des Français dans la transition. 


Aller plus loin 🎨 Voir ce qu’ont imaginé les participants et les participantes à No Bulles à partir de ces réflexions, par ici.


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