#2 Nicolas : “On est toujours dans la culpabilisation des mêmes, les masses, qui en plus sont crédules”
- julie00501
- 30 juin
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Dernière mise à jour : 2 juil.
Le climat et moi. Laissés pour compte, agriculteurs, climatosceptiques, jeunes de banlieue… Nous vous proposons dans cette rubrique de partir à la rencontre de Français et Françaises éloignés des cercles écologistes. A tous, nous avons posé la même question : “Et vous, l’environnement, vous en pensez quoi ?”
→ Dans cet épisode, nous rencontrons, Nicolas, 43 ans, e-commerçant dans l’Aude. Surdiplômé très critique, il s’appuie sur la logique et un argumentaire réfléchi pour mettre en doute l’importance du changement climatique.

Ascenseur social en panne et amertume. Nicolas est de toute évidence plus informé que la moyenne. Son parcours scolaire - Sciences Po, licence de droit, de marketing - lui a donné des outils d’analyse et de critique de l’information, et il s’en sert. D’ailleurs, il trouve qu’être climatosceptique, c’est signe “qu’on se pose des questions”, et que c’est plutôt “bon signe” que cette position monte en France.
Élève boursier brillant, d’après ses dires, Nicolas est aujourd’hui un adulte amer. ”On m'a dit, si tu fais de grandes études, tu auras un beau métier, tu auras de l'argent, tu auras une belle maison et tout ça. Et en fait, je me suis rendu compte en faisant ces études-là que, indépendamment des compétences, c'était totalement faux. C'était qu'une question de réseau.” Il a “tout donné” pour monter dans cet “ascenseur social” français, et ça n’a pas suffi.
Sur le changement climatique, "on va beaucoup trop loin dans l'interprétation des données que l'on possède"
Esprit scientifique : la méthode de la critique. Aujourd’hui e-commerçant vivant dans le Sud de la France, il semble aussi très informé sur l’actualité internationale et notamment les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, “un événement d’ampleur historique”. “Et je trouve que la société est de plus en plus polarisée autour de micro-débats sans sens ni intérêt. C’est Rihanna contre Taylor Swift en permanence.” Tout ça, analyse-t-il, pour détourner l’attention du public des “vrais problèmes”, comme “le fait qu’il y a de plus en plus de milliardaires dans le monde.”
Ses centres d’intérêt ? “Par ma culture générale, je m'intéresse énormément à la science. Je suis abonné justement à Sciences et Vie. Je lis également de temps en temps la recherche. Je regarde énormément de documentaires scientifiques”, détaille-t-il.
Climatosceptique mais pas dénialiste. C’est justement cet esprit “rationnel” et cartésien qui l’amène à douter dès lors qu’on évoque le sujet “climat”. “Je trouve qu'on a du mal sur ce sujet-là à avoir des analyses purement scientifiques, dépourvues de tout marqueur d'émotion, de jugement, et qui soient vraiment dans l'analyse purement rationnelle (...) Ils sont un peu trop politisés sur ce sujet.”
Sa propre analyse du sujet, qui visiblement l’intéresse beaucoup, le conduit à valider la réalité d’un changement climatique en cours. Mais, il minimise à la fois son importance et la responsabilité de l’Homme dans ce bouleversement “naturel". “On va beaucoup trop loin dans l'interprétation des données que l'on possède, assure ainsi Nicolas. Si on avait des super relevés datant de l'Antiquité, on aurait un point de vue sur 2000 ans. On pourrait commencer à avoir un certain recul, à analyser. Mais le climat, c'est plus des temps géologiques que des temps humains.”
📌 Plus d'un tiers des Français sont climatosceptiques (chiffre qui varie quelque peu selon les études et méthodologies). Mais ce groupe n’est pas homogène : 30% peuvent être catégorisés comme des climatosceptiques “mous” (qui doutent de la part de responsabilité de l’activité humaine dans le changement climatique), et 24% comme climatosceptiques “durs” (tous les aspects de la cause climatique sont tenus à distance, avec des justifications politiques voire complotistes). (cf notre enquête sur les climatosceptiques).
“Le changement climatique est un faux argument qui marche parce que tout le monde est triste quand il voit la banquise fondre”
De la manipulation au complotisme. Son analyse ne s’arrête pas là. A ses yeux, le discours alarmiste sur le changement climatique vise un but précis : manipuler la population. Les arguments émotionnels type “les pingouins disparaissent” auraient pour unique but de "refourguer" produits et politiques publiques aux plus crédules. “Il y a un truc à vendre derrière. Sans ça, on aurait l'impression que la personne a des intentions un petit peu plus nobles déjà.”
Il cite plusieurs exemples qui vont dans le sens de son raisonnement. Il y a d'abord le “coup” de la climatisation : “La clim, c'est un bon business, donc personne ne fait de campagne en disant que ce n'est pas bon les clims. Or, c'est hyper mauvais. D'une, c’est polluant, et de deux, ça réchauffe réellement l'air extérieur.” En “coupant toutes les clims d’une métropole”, on pourrait donc “facilement, par des mesures qui n’obligent pas les gens à refaire leur maison”, faire descendre la température, argumente-t-il. “C'est pour ça que ce n'est pas rentable et que ce n'est pas fait”, conclut-il.
Autre "preuve" mise en avant dans sa démonstration : l'exemple de la couche d’ozone.“On nous a fait culpabiliser à un point incroyable par rapport à la question de la couche d'ozone. Bon, il n'y a finalement rien eu de fait pour, mais bizarrement, apparemment le trou, plus personne n'en parle, alors il s’est peut-être rebouché tout seul.” Ses conclusions : “Il ne faut pas faire culpabiliser les humains puisque la nature va s'auto-réparer" et le discours environnemental lié au changement climatique, ce n'est "que du marketing".
📌 Exposés à l’idée que “les élites tirent profit de la lutte pour la protection de l’environnement et contre le changement climatique pour encore mieux nous contrôler et nous manipuler”, 46% des Français sont d'accord (Source les Français parlent climat 2025).
Les écolos, des “opportunistes”
Élites vs masses, les inégalités de la société en fond d’écran. Poussant encore un peu le raisonnement, Sébastien détecte des gagnants et perdants dans cette histoire, et croise son analyse avec sa vision d’une société inégalitaire. L'exemple en est les jets privés, responsables de “99% ou 90% des impacts” et profitant à seulement “1% de l’humanité”. “Au lieu d'aller faire culpabiliser les gens parce qu'ils prennent leur bagnole pour aller faire des courses, peut-être qu'on ferait mieux de s'intéresser aux gens qui prennent leur jet privé pour aller voir un match de football américain.”
Anti-écologiste avant tout. Son acrimonie vise tout particulièrement “les écologistes”. Il les dit “à côté de la plaque” avec leurs “utopies totales qui ne marchent que dans un monde parfait avec quasiment des gens pré-programmés” et leurs méthodes “agressives et pas pédagogiques”. Et d'ajouter que “dans leur façon de faire, d'agir et de vivre surtout, il y a un problème de cohérence et d'exemplarité. Ça fait un petit peu “fais que je dis mais pas ce que je fais”, ça fait très opportuniste.” Il va jusqu’à rappeler “l’origine historique” du concept d’écologie, qu’il situe dans l’Allemagne nazie.
Mais attention aux raccourcis : Nicolas ne tient pas du tout à être assimilé à l’extrême-droite. “Ce qui est dimension raciale, ce n'est pas ma came ni mon fonds de commerce. Être toujours renvoyé à des grandes extrêmes droites pour ces propos-là, c'est un peu énervant.”
Les citations de ce texte sont issues d’entretiens qualitatifs menés en 2023 ou 2024 dans le cadre d’une étude pilotée par Parlons Climat sur les “climatosceptiques”. Le prénom a été changé.
Pour aller plus loin :