Quand on les interroge sur les causes du changement climatique, ils répondent qu’il s’agit principalement d’un phénomène naturel. Le couperet tombe alors : climatosceptiques. Un terme qui claque souvent comme une injure. Une fois lâché on pense avoir tout dit, alors qu’on a précisément rien dit du tout. Jeanne et Marc sont de ceux-là. Ils sont sceptiques, mais ils sont surtout convaincus. Convaincus que l’écologie est un sujet majeur qui requiert un projet politique et sociétal fort. Citadins des grandes villes, informés et engagés au quotidien dans leurs modes de consommation mais aussi au sein d’associations, Jeanne et Marc nous livrent leur rapport, complexe, parfois alambiqué mais toujours concerné, à la transition écologique et à la crise climatique. Portraits.
Jeanne, 48 ans, professeure de SVT.
Quand les politiques et la transition écologique déçoivent.
Déçue, Jeanne l’est de la classe politique dans son ensemble et déplore, face à la montée du RN, que les autres camps ne “se soient jamais remis en question, ne se soient pas demandés pourquoi les gens sont tellement en colère ?”. C’est dans ce contexte de déconvenue politique que les discours sur le changement climatique tendent à se teinter de méfiance chez Jeanne. Elle qui rêve d’une écologie émancipatrice et rassembleuse, faite d’incitations positives, d’accompagnement et d’éducation, mais surtout inscrite dans un grand projet sociétal tant écologique que social, estime que les politiques “se trompent de débat” en réduisant trop souvent la transition à des taxes et interdictions tout en stigmatisant les individus.
Celle qui enseigne les sciences de la vie et de la Terre depuis 20 ans en banlieue d’une grande métropole regrette que les politiciens, comme l’écologie, divisent au lieu de fédérer. Elle n’hésite pas à expliquer qu’on parle assez de climat en France “mais mal”, d’une manière “conceptuelle et lointaine, faite pour les bobos”, trop peu accessible aux lycéens qu’elle côtoie au quotidien ou aux gens qu’elle aide en tant que bénévole dans plusieurs associations. Rapprocher l’écologie des gens. Et non les en éloigner, tel est son reproche général. Jeanne emploie volontiers les termes d’”instrumentalisation" et de “manipulation” pour qualifier l’usage politique qui est fait de la crise environnementale et signifier que les responsables politiques, sans jamais distinguer un parti plus qu’un autre, n’ont pas pris la mesure du projet, et déçoivent. Encore.
Extraits choisis :
Marc, 50 ans, maître-nageur. Eloge de la nature toute puissante.
Sportif, proche de la nature et de son territoire, Marc dit observer quotidiennement les conséquences du changement climatique, notamment sur les marées de la Baie du Mont Saint-Michel où il navigue depuis toujours et dont il discute souvent avec les pêcheurs. La nature, il l’aime et la recherche au quotidien. Face à elle, Marc estime que l’humain est par essence impuissant, avec peu d’impact sur elle, dans un sens comme dans un autre, et que le changement climatique est un phénomène cyclique qui “nous dépasse totalement”. Si les conséquences climatiques ne font aucun doute pour lui, tout comme le fait que nous serons obligés de “quitter le sud de la France qui va devenir aride”, il est avant tout question de s’adapter. Limiter le changement climatique, oui bien sûr, mais à notre échelle car, il le rappelle, “la nature n’a pas besoin de nous”.
Dans son quotidien, Marc se montre particulièrement préoccupé par la pollution et ses effets sur la santé ou encore par la surconsommation, autant de sujets pour lesquels il a modifié son mode de vie ces dernières années. Fervent défenseur de la voiture électrique, il se dit content de vivre dans une ville de “gauche-écolo” où l’argent public est investi pour amener plus de nature en ville, construire toujours plus de pistes cyclables et réduire les moteurs thermiques. Il défend par ailleurs un mix énergétique composé d’énergies renouvelables et de nouvelles générations de centrales nucléaires, sujet dont il débat parfois avec un de ses ancien collègue, militant chez Greenpeace. Se définissant comme apolitique et “anar” dans sa jeunesse, avec “une passion pour l’actualité” héritée de son père, Marc déplore que l’écologie ne soit pas assez centrale en France et s’étonne du faible score de Yannick Jadot aux dernières présidentielles “alors que c’est ce qui devrait être majoritaire, pour nous et nos enfants”. Jamais dans l’opposition, ni dans la revendication, Marc accepte les discours pointant la responsabilité humaine dans le changement climatique sans toutefois y adhérer, dans la mesure où ceux-ci “permettent peut-être de responsabiliser l’humain et de faire changer les comportements de consommation”. Du changement climatique à l’écologie du quotidien, il n’y a qu’un pas. Et parfois trois.
Pour aller plus loin, consultez notre étude complète sur les climatosceptiques.